Depuis plusieurs mois, le groupe djihadiste Boko Haram multiplie les attaques au Nigeria, au Tchad, au Cameroun et au Niger, États qui se trouvent autour du lac Tchad, où le groupe opère. Peut-on parler d’une résurgence de Boko Haram ?
Il s’agit en réalité de deux groupes distincts. Il y a le groupe historique, souvent appelé Boko Haram, qui s’appelle Jama’at Ahl al-Sunnah li-Da’wah wa al-Jihad. Et puis, il y a ISWAP, une scission datant de 2016, qui a fait allégeance à l’État islamique.
Et c’est surtout l’ISWAP qui est très actif en ce moment, attaquant notamment des bases de l’armée nigériane avec un certain succès.
Mais au fond, ces groupes-là n’avaient jamais été absents. Ils étaient simplement moins actifs. Ils étaient très occupés par une guerre interne qui a été très, très violente en 2023 et également en 2024.
Et il semble que cette guerre se soit un peu apaisée. Et c’est sans doute pour cela qu’ISWAP commence maintenant à se réorienter vers des attaques contre les armées des pays du bassin du lac Tchad.
Quelles sont les différences fondamentales entre l’ISWAP et l’autre faction qu’on appelle plus communément Boko Haram ?
Boko Haram est vraiment marqué par le modèle initial, le modèle d’Abubakar Shekau. C’est un mouvement très sectaire qui considère que tous les civils, y compris les musulmans, tant qu’ils ne sont pas affiliés au mouvement, sont des cibles légitimes. Au fond, on peut les piller, les capturer, les rançonner.
Tandis qu’ISWAP, qui est donc influencé par le modèle de l’État islamique, traite, en tout cas, la population musulmane non liée aux États, de manière beaucoup plus clémente et essaye de nouer avec eux une relation de protection.
ISWAP lève l’impôt dans les zones rurales qu’elle contrôle et protège les populations locales. C’est un modèle plus bureaucratique, un modèle certainement inspiré par l’État islamique, assez bien organisé.
Voilà la différence de fond, qui est un petit peu en train de se déplacer.
Les groupes terroristes commettent la plupart de leurs actes dans les villages, les églises, les mosquées, en particulier donc Boko Haram, et aussi dans les écoles. Mais sont-ils à l’origine de toutes les attaques, puisqu’il y a aussi du grand banditisme ainsi que des tensions entre éleveurs et agriculteurs ?
Il y a beaucoup de formes de violences assez variées au Nigeria. Les deux factions de Boko Haram sont vraiment très actives dans le nord-est du pays. Et en gros, la grande majorité de violences dans ces zones-là sont effectivement de leur fait. Ailleurs, au Nigeria, on a effectivement une scène beaucoup plus diversifiée.
On a des groupes de bandits, on a des milices locales, on a des affrontements communautaires. On a des tensions aussi entre groupes d'éleveurs et puis une communauté d'agriculteurs. On a d'autres petits groupes djihadistes, mais qui sont beaucoup moins importants dans ces zones-là.
Une coalition existe entre le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad. pour lutter contre le djihadisme, il s’agit de la force multinationale mixte, que le Niger a quittée en mars dernier. Mais qu’est-ce qui explique que ces États ont de plus en plus de difficultés à lutter contre le djihadisme ?
Alors, le phénomène se nourrit beaucoup de cette dimension régionale. En fait, les flux économiques sont essentiels pour les deux groupes, ils bénéficient des effets de frontière. Ce n'est pas un hasard s'ils ont très forts dans la zone précisément du lac Tchad, où justement se croisent les frontières des quatre pays: Niger, Cameroun, Tchad et Nigeria.
Et de ce point de vue-là, c'est vrai que la redynamisation d'une force régionale en 2014, surtout 2015, entre les quatre États, avait joué un vrai rôle dans la contre-attaque qu'ils avaient réussi à lancer en 2015 contre Boko Haram.
- Lire aussi : Pourquoi le Niger se retire-t-il de la Force mixte antijihadiste dans le bassin du lac Tchad ?
Et au fond, la tension actuelle depuis le coup d'État au Niger, la tension entre le Niger et le Nigeria, a vraiment entraîné une dégradation des relations entre les deux pays et vous l'avez mentionné, un retrait du Niger de la MNJTF (Multinational Joint Task Force). Et c'est vraiment un souci parce qu'il faut absolument une forme de coordination régionale.
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